Critiques - Les films de l'été 2016
Publié le 24 Août 2016
L'été touche à sa fin! Certains d'entre vous ont peut-être voyagé à travers le monde au cours des derniers mois : guetter le monstre du Loch Ness en Ecosse, explorer les ruines des Mayas, découvrir un show sur Broadway. Peut-être même que certains sont allés à San Francisco pour voir en live Dr. Teeth And The Electric Mayhem (oui oui, le groupe des Muppets). Les sorties cinéma ont suivi leur cours pendant ce temps-là et, à l'heure de la rentrée, c'est le moment idéal pour faire le point sur ce qu'il ne fallait pas rater, et ce qu'il vous faut donc rattraper de toute urgence. Il ne faudrait pas qu'un bon film manque à l'appel dans votre top 10 de l'année.
Alice de l'autre côté du miroir de James Bobin (**)
Les nouvelles aventures d'Alice et du Chapelier Fou. Alice replonge au pays des merveilles pour aider ses amis à combattre le Maître du Temps.
Remontons jusque début juin avec ce qui s'annoncait comme l'un des plus gros films de l'année : la suite du Alice de Tim Burton. Le casting reste inchangé, porté par Mia Wasikowska en Alice, Johnny Depp en Chapelier Fou, et Helena Bonham Carter en Reine Rouge. Nouveau venu, Sacha Baron Cohen est le bien nommé Maître du Temps. Tim Burton a pour sa part cédé la barre à James Bobin, mais la qualité des films Muppets de ce dernier ne nous laissait présager que du bon. Hélàs, plus la date de sortie s'est approchée, plus nos attentes se sont réduites, et - au vu du box-office - le public a eu les mêmes doutes que nous et n'a pas suivi.
Pourtant, une fois visionné, ce second Alice se révèle une suite plutôt divertissante - et à posteriori une bonne conclusion pour la saga. Le personnage principal a gagné en maturité et prend son envol. Le style visuel s'est amélioré et les effets spéciaux utilisés à profusion sont pour la plupart renversants (à commencer par la
scène d'ouverture). L'histoire en elle-même - même si non transcendante - se veut plutôt agréable à suivre, avec comme vous pouvez vous en douter une question de temps.Là où le mât blesse c'est que toute la folie qui pourrait faire le charme de cet univers s'est envolée. Les personnages secondaires perdent en intensité et le Maître du Temps se révèle des plus brouillons. A cause de cela, l'intérêt du film s'écroule vite et les deux heures paraissent bien longues, sauvées par quelques rares moments de grâce et scènes d'action. Même constat hors du Pays des merveilles, où les aventures d'Alice dans le vrai monde - qui sont les meilleurs moments du film, pour vous dire le comble - auraient pu être traitées plus finement.
Un film d'horreur sur la beauté par le réalisateur de Drive, présenté au prestigieux festival Cannes, autant dire que The Neon Demon avait de quoi faire vendre. Devant l'écran de cinéma, c'est l'incompréhension qui prend le dessus. Immense déception, le film se perd complètement, envoyant valser toute narration pour se concentrer sur des sensations, des images fortes. Cela dit, vous serez chanceux si vous éprouvez quelque chose tant c'est l'ennui qui aura prédominé dans notre salle (les seuls autres spectateurs sont partis ou tombés de sommeil).
La sauce prend ou ne prend pas, mais - sur le même sujet - on avait pris plus de plaisir devant le Starry Eyes de Kevin Kolsch et Dennis Widmyer. Ne vous attendez même pas à un sursaut de qualité sur la dernière partie, laquelle a toutefois le mérite d'aller jusqu'au bout de son concept. Si le rythme espéré n'est pas là, la bande-annonce n'aura pas menti sur une chose : le charme hypnotisant d'Abbey Lee, que l'on retrouvera bientôt dans La Tour Sombre.
The Witch de Robert Eggers (**1/2)
1630, en Nouvelle-Angleterre. William et Katherine, un couple dévot, s’établit à la limite de la civilisation, menant une vie pieuse avec leurs cinq enfants et cultivant leur lopin de terre au milieu d’une étendue encore sauvage. La mystérieuse disparition de leur nouveau-né et la perte soudaine de leurs récoltes vont rapidement les amener à se dresser les uns contre les autres…
Autant dire que le mois de juin démarrait plutôt mal. Avec ces deux déceptions successives, il ne nous restait plus qu'à prier pour voir un bon film. The Witch est arrivé à ce moment-là et s'est bien débrouillé dans ce qu'il essayait de faire. La citation de l'affiche l'annonce comme une renaissance du genre horrifique, c'est un peu excessif. En revanche, les critiques qui louaient son ambiance avaient amplement raison.
The Witch n'est pas un film qui vous terrorisera (Conjuring 2 s'en chargera deux semaines plus tard). Sans doute n'est-ce même pas son intention. Le film vous mettra plutôt mal à l'aise, et vous donnera envie de vite vous enfuir de cette maudite forêt. La réalisation est impeccable, la jeune vedette Anya Taylor-Joy également, et la fin parvient à vous prendre par surprise.
Le Monde de Dory de Andrew Stanton et Angus MacLane (**)
Dory, le poisson chirurgien bleu amnésique, retrouve ses amis Nemo et Marin. Tous trois se lancent à la recherche du passé de Dory. Pourra-t-elle retrouver ses souvenirs ? Qui sont ses parents ? Et où a-t-elle bien pu apprendre à parler la langue des baleines ?
Oui, nous adorons Le Monde de Nemo, et le personnage de Dory n'y est pas pour rien. Il est également vrai que nous aimions l'idée de retrouver à nouveau tous les personnages de cet univers. Malheureusement, il s'avère que le retour aura été moins bon que ce que nous espérions. N'ayons pas peur de le dire : Le Monde de Dory est l'un des moins bons Pixar à ce jour. En cause, une histoire qui n'a jamais la saveur du premier opus. Pire encore, on finit par trouver le temps long, et même les émotions - qui sont censées ne jamais faillir chez Pixar - ne sont pas là.
Anecdotique, le film éclaire le passé de notre poisson chirurgien préféré et amène son lot de nouveaux personnages, desquels peu resteront dans les mémoires. Ca se laisse suivre, mais l'épopée n'est pas des plus passionnantes. C'est dommage, car côté animation, tout est absolument superbe. C'est à se demander comment Pixar pourra encore évoluer technologiquement dans les années à venir. On leur fait confiance pour encore réussir à nous surprendre de ce côté-là.
Avant toi de Thea Sharrock (***)
Lorsque Lou accepte de travailler comme aide-soignante auprès de Will, elle est bien décidée à lui redonner goût à la vie. Peu à peu, les deux jeunes gens s'éprennent passionnément l'un de l'autre. La force de leur amour pourra-t-elle survivre à leur destin qui semble inexorable ?
Voilà un film qui méritait mieux que la distribution désastreuse dont il a été victime. Autant dire que vous avez eu de la chance s'il est passée près de chez vous. Encore plus si vous l'avez eu en version originale. Le charme britannique - et leur accent - n'est pas pour rien dans la réussite de ce film romantique qui prouve que le genre peut encore nous surprendre, même s'il reste dans le classique.
Comme dans beaucoup de romances récentes, la maladie n'est jamais loin. La principale force d'Avant toi est son très bon casting, dont les parents Charles Dance - Janet McTeer et le duo Emilia Clarke - Sam Claflin. Ce n'est pas notre couple favori, le caractère cynique de Will et celui exhubérant de Lou peuvent parfois agacer, mais on vit leurs péripéties comme une grande bouffée d'air frais entourée d'espoir.
Le Secret des banquises de Marie Madinier (*1/2)
Le professeur Quignard et son équipe de chercheurs étudient la PPM, une protéine immunisante produite par le pingouin. Christophine, jeune thésarde un peu maladroite et émotive, décide de s’injecter du génome pingouin pour aider le professeur dans ses recherches, mais aussi pour se rapprocher de lui... quitte à devenir son cobaye.
Un autre film romantique, en provenance de France cette fois. Et qui, pour le coup, se veut lui complètement originale. Vous seriez bien en peine d'imaginer ce qu'est ce film tant son style contraste avec ce qui se fait habituellement. Des scènes plus absurdes que les autres se succèdent et, plus le film avance, plus les choses perdent tout sens de la raison, entre légèreté et poésie.
Cela serait très bien si nous étions embarqués dans cet esprit. Hélàs, on reste souvent sur le côté. Cette première réalisation - malgré de bonnes idées - peine à convaincre et nous a vu plusieurs fois lever le sourcil face à des choix étranges, notamment sur la relation ambigüe entre les deux personnages (surprenante Charlotte Le Bon). A voir si vous aimez les pingouins.
Love & Friendship de Whit Stillman (**)
Angleterre, fin du XVIIIe siècle : Lady Susan Vernon est une jeune veuve dont la beauté et le pouvoir de séduction font frémir la haute société. Sa réputation et sa situation financière se dégradant, elle se met en quête de riches époux, pour elle et sa fille adolescente.
Whit Stillman est un cinéaste que nous apprécions beaucoup, encore trop méconnu. Même s'il a peu tourné cette dernière décennie, son Damsels in Distress nous aura fait tomber sous le charme de son groupe d'héroïnes par de succulents dialogues. C'est tout ce que l'on attendait de Love & Friendship, adaptation de Jane Austen avec les intrigues amoureuses que cela implique.
Bavard, le film l'était. Ennuyeux, il l'était aussi et c'est un triste échec de la part de Stillman. Kate Beckinsale manque d'un petit quelque chose dans le rôle principal, et si la reconstitution de l'époque nous offre de majestueux costumes et la réalisation se veut élégante, on regrettera de ne pas être plus enjoué par l'histoire qui nous est contée. On se consolera toutefois avec une belle galerie de personnages et de bons interprètes (Xavier Samuel).
Blow Out de Brian De Palma (****)
Un soir, dans un parc, Jack Terry, ingénieur du son, enregistre des ambiances pour les besoins d’un film. Il perçoit soudain le bruit d’une voiture arrivant à vive allure. Un pneu éclate. Le véhicule fou défonce le parapet et chute dans la rivière. Jack plonge et arrache à la mort une jeune femme, Sally. Mais le conducteur est déjà mort...
Attention classique! Ressorti en salles cet été, Blow Out est à découvrir de toute urgence si ce n'est pas déjà fait. Dès la première séquence (brillante), le film fourmille d'inventivité de tous côtés, en jouant sur nos références, nos perceptions et sur le son. Rien que la séquence de l'accident relève du génie pour ce qui est du montage. Nous suivons ensuite l'enquête de John Travolta - Nancy Allen
et de l'autre les actes glaçants de John Lithgow. Ce dernier est l'un des meilleurs méchants de l'Histoire du 7ème art, vous voilà prévenus.Quelques défauts sont criants (la course en voiture de Travolta n'a aucun sens), mais sont immédiatement balayés par le très puissant caractère mélancolique du film. La musique n'est bien sûr pas en reste pour cela. De Palma ne ménage pas ses spectateurs, les implique au plus près de l'enquête tout en faisant monter la tension et ne les lâche plus jusqu'à une fin mémorable. Un pur plaisir de cinéphile, le meilleur que nous ayons eu de ce mois de juin. PS : Si vous aimez ce style de De Palma, le moins connu Body Double est l'une des autres références en la matière.
Conjuring 2 : Le cas Enfield de James Wan (****)
Lorraine et Ed Warren se rendent dans le nord de Londres pour venir en aide à une mère qui élève seule ses quatre enfants dans une maison hantée par des esprits maléfiques. Il s'agira d'une de leurs enquêtes paranormales les plus terrifiantes…
Ce film a failli ne pas se retrouver dans cette liste. Rattrapé mi-août lors de sa dernière séance, il aurait pourtant été dommage de passer à côté. Le premier Conjuring était déjà très bon avec des scènes de terreur particulièrement efficaces et une réalisation qui l'était tout autant et soignée qui plus est. Pas du niveau des meilleurs (la narration manquait parfois d'intensité, la dernière partie était de trop), mais un film d'horreur qui faisait plaisir à voir - aussi un immense succès critique et public.
Les Warren étant introduits, nous pouvons passer directement aux choses sérieuses dans Le cas Enfield. Là où James Wan fait très fort, c'est que non content de faire une suite de qualité équivalente au premier opus, il parvient même à surpasser ce dernier. Cela se ressent au niveau des choix de mise en scène (un plan-séquence et un plan fixe bien trouvés, pour ne citer qu'eux), mais aussi de l'inventivité qui se ressent dans chacune des séquences. Les décors sont riches et utilisés au maximum de leur potentiel. Si vous vous dites qu'un lieu ou objet doit être bien glauque en pleine nuit, vous pouvez être certain qu'une scène terrifiante l'utilisera par la suite.
Et ça n'arrête jamais. Si le premier Conjuring nous laissait des temps de repos - qui cassaient un peu le rythme - ce second volet enchaîne les séquences horrifiques, certaines d'entre elles nous prenant même au dépourvu. James Wan créé les pires situations possibles et nous y confronte en même temps que les personnages. Son objectif : faire naître la peur en nous. Le fait est que cela fonctionne merveilleusement bien. Il sait jouer avec nos nerfs, mais aussi raconter son histoire de manière solide, ce qui fait que le film n'est pas impacté par sa longue durée (2h14!). Conjuring 2 : Le cas Enfield se classe immédiatement aux côtés de nos classiques de l'horreur, pas si mal pour un film que nous avons failli louper au cinéma.
Voilà pour juin!
En bref
Alice de l'autre côté du miroir (**) - La folie s'est envolée.
The Neon Demon (*) - Une immense déception.
The Witch (**1/2) - A voir pour son ambiance.
Le Monde de Dory (**) - Une suite décevante.
Avant toi (***) - Une bonne romance au charme britannique.
Le Secret des banquises (*1/2) - C'était très bizarre.
Love & Friendship (**) - Du Jane Austen bavard et ennuyant.
Blow Out (****) - Un classique à (re)voir absolument.
Conjuring 2 : Le Cas Enfield (****) - Terrifiant, un nouveau classique.