A l'heure où les films surnaturels et/ou "food-footage" semblent avoir la mainmise sur le genre, il est bon de se rappeler le temps où l'horreur ressemblait à tout autre chose. Quand on y regarde de plus près, c'est pourtant la même idée qui a toujours dominé les studios : exploiter le filon en cours et faire une tonne de films à budgets limités pour un maximum de profit. Au début des années 80 un sous-genre s'impose sur les écrans US : celui du slasher. On a alors une centaine de titres qui se sont enchaînés dont les plus renommés Black Christmas, Halloween et Vendredi 13. Intéressons-nous aujourd'hui à certains des autres petits films qui se sont glissés dans la mêlée et qui ont été oubliés, si ce n'est pas les fanas d'horreur. Des films imparfaits, mais qui méritent pourtant d'être redécouverts.
Il y a eu une vague de remakes des classiques des 80's au cours de la dernière décennie - les trois cités plus haut y étant tous passés. Les films dont nous allons parler aujourd'hui ont tous les deux échappés à cette élan : il s'agit de Curtains, L'Ultime Cauchemar et de Happy Birthday - Souhaitez ne jamais être invité, respectivement sortis en 1983 et 1981.
Curtains
Afin de décider qui aura le rôle de sa prochaine oeuvre, un metteur en scène reconnu réunit six actrices dans sa maison de campagne. Elles vont disparaître une par une, victimes d'un mystérieux tueur. (pas de doute, il s'agit d'un slasher)
La traduction littérale du titre donne "rideaux" et il suffit de quelques minutes pour percer le mystère de sa signification. Le film a en effet été découpé en plusieurs parties et une ouverture-fermeture de rideaux marque la transition entre chaque "acte". Un rapport à l'univers de la scène et des acteurs qui va être omniprésent tout au long du film. On est constamment bernés par des illusions propres au milieu du cinéma et du théâtre, et les personnages le sont avec nous, certains tout du moins. Citons par exemple des dialogues qui sont ensuite dévoilés comme des impostures ou juste deux acteurs qui récitent leur texte (les personnages sont des acteurs, rappelons-le). L'exemple le plus flagrant est la course poursuite finale dans des éléments de décors où se fait piéger notre victime (porte qui donne sur un mur, etc.). On s'amuse de tous ces tromperies - très très nombreuses, presque trop.
Si vous cherchez les masques les plus terrifiants du cinéma, vous y trouverez Curtains, accompagné d'une image absolument glaçante : celle d'un tueur à masque de vieille femme. Nous avons vu le film dans une version restaurée, et le masque clairement défini y perd un peu de son pouvoir de terreur, mais il n'en reste pas moins bien flippant. Pas de doute, il mérite bien sa place dans la liste ! Dans le film, il sera peu mis en scène lors des meurtres, et c'est dommage. Ses meilleures apparitions seront lors de la scène du lac gelé (la meilleure scène du film, c'est dit) et lors d'une séquence d'acting (oui, le masque du tueur sort de nulle part, et se retrouve dans les mains du réal lorsqu'il veut faire un exercice avec ses actrices).
Un tueur passe à l'action, réduisant le nombre de personnages tout aussi drastiquement que dans les "10 petits nègres" d'Agatha Christie. Ce qui n'est pas une mauvaise chose car les personnages féminins sont nombreux et, comme le dit l'un des dialogues, celles-ci "se ressemblent toutes". Logique puisqu'elles concourent pour le même rôle, mais les tentatives pour donner des caractères propres à chacune seront assez limitées. Même si on se délecte de Lynne Griffin en comique, la plupart n'auront leur moment de gloire qu'au moment de leur mort.
L'épargnée est Samantha Eggar qui tire la vedette en star du cinéma confrontée à des "prétendantes" plus jeunes d'elle-même. Moment idéal pour évoquer le premier quart-d'heure du film, qui lui est entièrement consacré et qui ne ressemblera à rien de ce que nous verrons ensuite. Convaincue qu'elle aura le rôle, le personnage de Samantha se fait passer pour folle (et on la croit folle jusqu'au moment où la tromperie est révélée, les nombreuses tromperies, vous vous rappelez ?). Elle termine à l'asile où elle va pouvoir étudier ses congénères (pour le rôle !). S'en suivent les passages les plus perturbants, les fous (folles*) ne l'ayant jamais autant été. Des rumeurs affirment que le film a été subi de nombreuses modifications post-tournage, avec des jours additionnels de tournage jusqu'à plusieurs années après (si on fait vraiment très attention, certaines actrices auraient des coiffures et des morphologies différentes suivant les scènes !). L'asile est issu de première version, ce qui explique sans doute son ambiance si différente du reste. On a l'impression de regarder un autre film.
Alors, malgré toutes ces modifications, est-ce que Curtains arrive à être un bon film ? La réponse est oui. C'est souvent lent, d'une autre époque, les personnages masculins y sont horribles, mais l'ambiance qui habite le film et ses séquences les plus mémorables (le lac gélé, l'autoroute avec la poupée) relèvent le tout. Sans compter les fameuses "tromperies" qui amènent une certaine originalité à ce long-métrage majoritairement féminin (autre originalité bienvenue). La révélation du tueur est réussie. On aurait toutefois aimé qu'ils soit mieux mis en valeur lors des meurtres (la course-poursuite finale est épuisante, tourne en rond et manque de menace - c'est la course poursuite finale quand même!).
Happy Birthday to Me
Après Halloween, Noël et la St-Valentin, les américains ont décidé de surfer sur une autre fête dans laquelle tout le monde pourrait se reconnaître : la fête d'anniversaire ! (il fallait y penser) Happy Birthday to Me suit une bande de jeunes fortunés, confrontés à un tueur à mesure qu'un anniversaire approche. Des meurtres donc, mais aussi des scènes entre étudiants et.. des cascades (motos et voitures, le film est assez surprenant sur ce point).
Niveau horreur, l'affiche originale donne le ton : un jeune homme y est sur le point de se faire empaller par une brochette de barbecue. (Oui, vous avez bien lu.) On comprend sans peine pourquoi le film se vantait à sa sortie d'avoir "six des meurtres les plus bizarres", celui à la brochette étant sans doute le sommet d'entre eux. Mais avouons-le, les autre meurtres n'y sont pas bizarres. C'est un tout autre élément qui pourrait caractèriser la vraie bizarrerie du film, mais nous y viendrons, patience ! Pour les meurtres, on retiendra une séance de musculation qui tourne mal, mais on se frappera la tête devant l'ouverture (regardez-la, vous comprendrez).
Happy Birthday to Me dure 1h51, et nous sommes tous d'accord pour dire que c'est bien trop long pour un slasher. Cela se ressent au niveau du rythme, et un certain ennui n'est jamais loin (mais si on y échappe donc ce n'est pas si mauvais). Les acteurs ne jouent pas très bien, les personnages sont peu attachants, et surtout l'histoire part dans tous les sens. Sans parler des flashbacks somme toutes inutiles, vous risquez d'attraper un mal de crâne si vous considérez tout se qui se passe à l'écran. Nous orienter dans de fausses pistes, c'est bien. Le faire comme le fait ce film, moins. Au moment où un semblant d'explication se fait sentir (il faudra attendre 1h30), on pense avoir tout compris et là on se prend une grosse claque.
En cause un scénario qui aurait fuité avant le tournage et qui aurait contraint les équipes à considérer une nouvelle fin. On se retrouve donc avec un film qui mène vers une fin somme toute logique, mais qui a décidé au dernier moment de changer cette même fin ! Décrite comme une fin à la "Scooby-Doo", elle ne cessera de vous faire répéter "Mais qu'est-ce qu'il se passe ?" avec une expression bouche bée. C'est sans doute sur elle que se jugera votre opinion du film, mais, pour nous, elle permet d'élever le niveau du film - juste passable jusque là. Terrifiante et complètement dingue, cette fin est sans doute l'une des plus originales du genre.
Une info sympa concernant le film : Pour faire sa promotion, le studio avait envoyé aux cinémas une brochure les incitant à organiser des animations . Parmi les idées données, celle d'offrir une part de gâteau aux spectateurs, celle de créer des évènements pour les vrais anniversaires, etc. On aurait bien aimé voir ça !