Critique - Test - Sils Maria

Ce soir aura lieu sur Canal+ la quarantième cérémonie des César. L'occasion de célébrer une très belle année pour le cinéma français, qui s'est soldée aussi bien par des succès critiques que par d'immenses succès populaires. Avec pas moins de 6 nominations, Sils Maria est d'ores-et-déjà l'un des grands favoris de la compétition. Pourtant, pas grand monde n'aurait donné cher du film après son passage discret à Cannes en mai dernier. Le nouveau  Olivier Assayas est-il décevant ? Pas du tout, bien au contraire. Comme pour le prouver, il commence enfin à avoir la reconnaissance qu'il mérite avec - donc - ces nominations aux César, mais aussi le Prix Louis Delluc qui lui a été décerné en fin d'année 2014. Il ne lui reste alors plus qu'à trouver son chemin jusqu'au public car si il y a bien un film de 2014 à (re)découvrir c'est celui-là. Ca tombe bien, il est disponible depuis peu en vidéo.

Sils Maria, c'était l'une de nos grandes inconnues de 2014. Un film dont on savait en somme bien peu de choses. Bien sûr, on savait pour la présence d'Assayas derrière la caméra et - surtout - le beau casting, majoritairement féminin. Rappelons-le ici le trio d'actrices qui le compose : Juliette Binoche, Kristen Stewart et Chloë Grace Moretz. Trois noms importants, de talents, leur réunion promettait de donner quelque chose d'étonnant. A part cela, nous n'avions eu aucune information sur l'intrigue, vu aucun extrait, ou sans vraiment chercher à les comprendre. Et soudain, nous voici dans une salle obscure devant ce spectacle inattendu qui va se révéler être l'un de nos plus beaux moments de cinéma de l'année.

Au coeur du film, trois femmes que l'on va suivre dans leur quotidien. Deux actrices, l'assistance de l'une d'elles, trois personnages dont les destins vont se mêler, se croiser au cours d'un voyage iniatique dans les montagnes. Tout du long, une réflexion sur le temps qui passe et le métier de comédien avec comme base la reprise d'une pièce de théâtre. On va voir toutes les étapes de préparation du côté de son actrice principale. Point important, cette pièce a une résonance très forte chez cette actrice, puisqu'elle en a déjà joué l'un des rôles vingt ans plus tôt. Un véritable basculement s'effectue via ce changement de rôle, et elle va s'en rendre compte malgré elle au fur et à mesure que les répétitons avancent.

Plusieurs parties, où les décors évoluent, mais le rythme reste semblable. De longues séquences de dialogues entrecoupées par des fondus au noir, des dialogues intimistes où apparaissent des réflexions liées aux problèmes intérieurs des personnages. Piégés avec eux dans les montagnes, nous assistons absolument fascinés à ces échanges très bien écrits et merveilleusement interprétés. Au-delà de Juliette Binoche, Kristen Stewart est notre grande révélation, son rôle offrant une porte d'entrée des plus accessibles au spectateur. Touchante et sincère, elle livre une interprétation poignante qui on l'espère sera justement récompensée.

Là où le film impressionne, c'est qu'il parvient à rester captivant sur tout sa durée, malgré une dernière partie qui apparaît presque en trop. On est happé, bercé par le traitement du sujet par de longues confrontations verbales dans de grands décors, majestueux parfois, à l'écart de tout, du monde et du reste. Nos personnages sont dans leur propre cocon, où ils vont pouvoir grandir et développer leur réflexion ensemble. Le duo Binoche-Stewart sera alors l'une des meilleures relations qu'il nous aura été donné de voir sur grand écran, de part leur complicité et tiraillements qui vont finir par dépasser le cadre professionnel.

Une certaine poésie s'échappe de Sils Maria. Quelque chose qui se ressent plus qu'il ne se comprend, mais qui fait du film un très bon moment de cinéma. Posé, intelligent, le film pourrait être l'un de ceux qui ne peuvent s'apprécier qu'une fois, ou qui perdent de leur pouvoir d'attraction lors du revisionnage. Sils Maria n'est pas de ceux-là et supporte sans mal un second visionnage, qui ne fait que confirmer son puissant impact. C'est beau, fascinant dans son propos et les actrices tirent le tout vers le haut, Binoche et Stewart en tête.

En cas d'achat vidéo, on vous conseille de pencher pour le format Blu-Ray afin de profiter de la meilleure qualité d'image. Cela ne fera qu'accroitre la puissance des échanges et magnifier les somptueux paysages qui nous sont donnés d'apprécier. Deux bonus sont proposés à la fois sur le DVD et le Blu-Ray. En premier lieu, Le Phénomène nuageux de Maloja, court métrage d’Arnold Fanck dont il est fait référence dans le film (et dont on voit même des extraits). Enfin, une rencontre entre Olivier Assayas et Olivier Père d'ARTE Cinéma. 22 minutes enregistrées qui vous le souhaitez lèveront un peu le mystère de Sils Maria. Ce n'est pas forcément un film dont on aimerait avoir le décryptage complet, les réflexions qu'il amène chez nous ne nécessitent pas de plus ample interprétation. C'est pourquoi, pourtant d'habitude friands de bonus, nous avons préféré passer outre cette rencontre et garder le film intact dans notre esprit. On aurait été en revanche curieux de savoir ce qu'en avaient à dire les actrices, surtout pour les plus secondaires Kristen Stewart et Chloë Moretz. Pour le DVD, l'édition reste néanmoins satisfaisante, malgré les regrets déjà signalés au niveau de l'image.

Actuellement disponible en DVD & Blu-Ray.