Critique - Eat de Jimmy Weber

Publié le 3 Février 2015

Critique - Eat de Jimmy Weber

Novella McClure est dans la même situation que la plupart des jeunes comédiennes qui veulent percer à Hollywood : elle vient de dépasser la trentaine, son nom d’artiste n’est plus trop dans le coup, et elle n’a pas décroché un rôle depuis trois ans. L’argent hérité de son père, mort tragiquement lorsqu’elle était petite, lui a permis de tenir jusque-là, mais cet argent commence à manquer. La manie qu’a Novella de se ronger furieusement les ongles quand elle est stressée et sous pression peut alors devenir bien dangereuse pour elle…

En festival - ou plus généralement au cinéma, il arrive parfois qu'un film dont on n'attendait rien nous surprenne et qu'un véritable coup de coeur se dévoile. Cela a été notre cas à Gérardmer avec Eat, premier long-métrage de l'américain Jimmy Weber. Loin d'être mis en avant dans la programmation du festival, le film était proposé comme dessert d'une nuit cinématographique ayant pour thème "Bon appétit". Les deux précédents longs du menu étaient deux comédies bien délirantes, et - alors que sonnaient quatre heures du matin - c'est là que Eat est arrivé. Le film a non seulement réussi l'exploit de nous tenir éveillé tout du long, mais il nous a surtout mis une superbe claque.

Critique - Eat de Jimmy Weber

Eat nous plonge dans le quotidien de Novella, une actrice dans la trentaine qui tente toujours de percer à Hollywood. Elle multiplie les castings, mais rien n'y fait : le grand rôle dont elle rêve tant n'arrive jamais. Les refus qui s'enchainent sont d'autant plus pénibles pour elle que l'argent commence à manquer. Les rares personnes sur qui elle peut compter sont la propriétaire de son logement, une femme hispanique qui la considère comme sa fille, et son amie Candice, avec qui elle passe la plupart de ses soirées. Toutes les deux, elles passent du temps en boîte, se font payer des coups puis s'enfuient avant que leurs bienfaiteurs n'aient le temps d'aller plus loin. Une existence qui ne lui va pas tout à fait à Novella et qui commence à lui peser, provoquant chez elle une réaction pour le moins extrême.

On s'est déjà tous un jour mordillé la peau autour des ongles, nous arrachant parfois plus de peau qu'on ne l'aurait souhaité. L'anxiété peut bien sûr avoir un rôle là-dedans nous poussant de plus en plus à nous dévorer nous-mêmes. C'est ce qui va se passer avec Novella, d'une manière très radicale. Lorsqu'elle commence à se ronger les ongles et à grignoter sa peau, c'est en effet tout un filet qui va se détacher de son doigt.

Soyez prévenus : les scènes gores de Eat vont vous retourner l'estomac, allant toujours plus loin dans le sanguilonant tout en gardant un certain côté dramatique. Les effets sont superbement réalisés, dérangeants et vont vous faire détourner le regard à de nombreuses reprises. Vous ne vous attaquerez plus jamais à vos doigts sans penser au film.

Critique - Eat de Jimmy Weber

Là où le film est réellement intéressant, c'est que ces scènes quasi-insoutenables ne sont pas gratuites et qu'elles s'inscrivent parfaitement dans la continuité du métrage. L'auto-mutilation traduit ici le malaise profond de la jeune femme, malaise qui nous est communiqué et dont on espère fortement la disparition. Pour cela, on s'accroche autant qu'elle aux quelques lueurs d'espoir peut-être capables de nous sortir de cette orgie sanglante. Des rebondissements efficaces seront au programme, ainsi que de nombreuses émotions qu'on n'attendait pas au sein d'un tel film.

Bien plus d'un simple long-métrage horrifique, Eat passe par plusieurs genres tels la romance, la comédie et le drame. On obtient alors un mélange bien différent de tout ce que l'on n'a jamais connu à l'écran. La réalisation de Jimmy Weber nous tient constamment en haleine et ce dès l'électrisant générique d'ouverture sur Beauty Killer de Jeffree Star. Très prometteur pour la suite de sa carrière qu'on suivra de près.

Bien sûr, on doit concéder que tout n'est pas parfait dans Eat. Certains acteurs paraissent amateurs du côté des seconds rôles et c'est dommage. Heureusement, ce n'est pas le cas pour le rôle principal, l'actrice Meggie Maddock étant même une immense révélation. Elle porte le film à bout de bras, et sa prestation à elle seule mérite le détour. Jamais un film d'horreur ne nous aura fait sentir autant proche d'un personnage, et cela on le doit avant tout à la superbe Meggie.

Critique - Eat de Jimmy Weber

Eat est un film indépendant qui parvient à se démarquer du lot. Porté par la formidable Meggie Maddockactrice principale, il nous dévoile d'une façon toute particulière les sombres coulisses du rêve hollywoodien du point de vue d'une actrice en quête d'espoir. Sous couvert de scènes gores, il traite d'une maniète sérieuse et radicale la sombre descente aux enferts de la jeune femme. Bien plus réussi que Starry Eyes sur le même sujet, Eat est un film qui marque les esprits. Une claque prise en pleine nuit à Gérardmer alors que l'on se pensait hors d'atteinte.

Critique - Eat de Jimmy Weber

Photos de Hawk Vaccaro

Rédigé par Geotoine

Publié dans #Critiques, #gerardmer2015, #Eat, #Jimmy Weber, #Meggie Maddock

Commenter cet article